Le froid. Cette sensation insupportable qui vous envahissait de partout, de la racine des cheveux à la pointe des pieds, était certainement la pire chose qu’aient à affronter les survivants du déluge qui s’étaient réfugiés ici. C’était le cas pour Zephirin en tout cas. Il sentait son corps lutter contre cet ennemi invisible et il savait perdre le combat. Zeph’ sentait le moindre courant d’air lui parcourir l’échine, dressant sur son passage le moindre petit poil. Et les tremblements continus le vidaient de ses moindres forces. L’énergie qu’il dépensait pour combattre était bien supérieure à ce que son corps pouvait supporter. Il faut dire que les provisions que possédait le laboratoire étaient restreintes et qu’il avait consommé toutes les barres de céréales qu’il avait sur lui en quittant sa maison trois jours plus tôt. Il n’avait pas envisagé d’être enfermé et rationné ici pendant une demi-semaine. Qui l’aurait envisagé ? On n’envisage pas la fin du monde. Elle vous tombe dessus à l’improviste et vous ne pouvez qu’en subir les conséquences.
Alors pour tenter de se réchauffer, Zephirin acceptait de courir à travers le labo pour toutes les missions qu’on pouvait lui confier. Etant donné qu’il ne servait à rien dans les salles d’analyses ou dans les locaux d’expérimentation, il s’acquittait des taches subalternes. Ce matin là par exemple, il avait fait le tour de toutes les salles du bâtiment à la recherche de ce qui pouvait bruler dans l’hypothèse qu’il faille faire un feu. Malheureusement ces labos, tous plus sophistiqué les uns que les autres, étaient remplis de plastique ou de métal. Les chaises, les tables, les étagères, rien que du plastique et du métal. A la rigueur, la seule chose qui pouvait servir à faire un grand feu c’était le papier. Les archives étaient pleines de documents, de rapports d’analyse…mais Zephirin s’était interdit d’y toucher, lui qui ne comprenait rien à tous ces chiffres alignés sur une feuille de papier. On ne savait jamais, peut être bien que la réponse à la fin du monde se trouvait ici.
Zeph avait donc visité tout l’établissement, il avait farfouillé dans tous les recoins. Il avait pu dénicher dans des tiroirs ou des placards quelques bricoles qui pourraient s’avérer bien utiles : éclairage, fusibles, outils, couvertures de survie. Tout était bon à prendre de toute façon. Mais maintenant il était épuisé, complètement vanné. Les deux dernières nuits avaient été une torture mentale. Avec un froid pareil, il était pratiquement impossible de s’endormir et les quelques fauteuils de la salle de repos étaient bien loin de fournir le confort que proposait un lit. Les quelques heures de sommeil étaient agréables mais bien trop mouvementé pour suffire. Il lui fallait vraiment un break dans de bonnes conditions et Zephirin savait exactement où aller : La salle infrarouge.

C’était une salle qu’Euphrasie lui avait conseillé. Elle était très peu utilisée et bien chauffé qui plus est. Pourquoi ? Zephirin n’en avait strictement aucune idée. Il avait appris en cours ce qu’était les rayons infrarouge, point barre. Il y avait certainement une raison à cette chaleur dépensée mais seul le résultat était important pour Zeph : il y faisait chaud. Il pourrait peut être bien enlever une épaisseur ou deux, ces vêtement qu’il avait trouvé et qui appartenait à un laborantin qui n’était pas là lors du déluge. C’était la première chose que Jack lui avait offert à l’arrivée de la vague de froid. Il faut dire que quand Zephirin était parti de chez lui, il faisait presque beau, il s’était très peu couvert. Là on lui avait donné deux pulls et une sorte de parka qui était censé empêcher le froid de rentrer. C’était raté pour le coup.
Au moment où il allait entrer dans la salle il tomba sur Euphrasie. Elle-même était certainement venue pour prendre une pause. Il faut dire que les scientifiques travaillaient d’arrache pied. Ils étaient sous pression constante, voire même dans un état de stress pour certain. Peut être même qu’Euphrasie était dans ce cas puisqu’au moment même où ils se retrouvèrent face à face, elle laissa tomber ses affaires. Bon d’accord, il lui serait certainement arrivé la même chose si lui aussi avait les bras chargé. Il faut dire que sa timidité envers la jeune femme était assez importante.

-Désolée... ca va ?
-C’est plutôt à moi de te demande ça.

Euphrasie s’était empressée de tout ramasser. Elle devait avoir bien récupéré pour être aussi énergique. Zephirin lui était gelé. Il aida néanmoins Euphrasie à récupérer ses affaires étalées sur le sol et tomba sur un livre. Comme quoi les scientifiques aussi appréciaient les bonnes choses. Zeph les avait longtemps pris pour des fous. Ils étaient plongés dans leur monde, ce monde qui était incompréhensible pour lui. Quand ils parlaient, Zephirin avait beau s’intéresser, il ne pouvait suivre la conversation. C’était tout simplement un univers qu’on ne pouvait comprendre que si on y était initié. Zeph s’était souvent imaginé les scientifiques comme des êtres d’une autre planète, avec leur langage, leurs coutumes, et même leurs blagues. Il ne se les était pas représenté comme des gens comme lui, tout à fait ordinaire, qui aimaient lire, écouter de la musique, jouer aux cartes.
A la réflexion, il se demanda même ce qui pouvait bien l’attirer chez Euphrasie. Il ne la connaissait que très peu après tout. Jusque là, il l’avait vu comme la jolie laborantine qui avait presque son âge. Ca plus le fait qu’ils allaient certainement tous mourir bientôt, oui c’était compréhensible. Elle avait tout de suite été très agréable avec lui et ils avaient pas mal discuté, de tout et de rien. Surtout de ce qu’il leur arrivait en fait. Mais rien de vraiment personnel. Des banalités sur la famille, les amis qu’ils avaient…mais Zephirin ne connaissait rien des gouts d’Euphrasie. Il était temps d’y remédier. Entrant dans la pièce et fermant derrière lui, il lui rendit son livre et demanda :

-C’est sympa comme histoire ?

Pas très subtil je vous l’accorde mais il fallait bien commencer quelque part non. Une chose était certaine, Zeph n’était pas près de s’endormir comme il l’avait escompté.