Hanna travaillait dans le même musée que moi. C'était une employée modèle et je crois bien que personne n'a jamais trouver mot à redire quand à la qualité de ses affaires. Certaines mauvaises langues disaient que son avancement était dû à ses courbes généreuses, mais ce ne sont là que de vils propos sans intérêts. Elle n'avait pas beaucoup d'amis mais s'entendait bien avec tout le monde. Le genre de fille timide, qui n'a pas conscience de l'envie qu'elle suscite partout où elle passe. Une naïveté enfantine. Il faut dire qu'elle était bien jeune, somme toute. Nous nous fréquentions de temps à autre, en dehors du cercle professionnel. Elle sortait avec Oskar, un jeune peintre impressioniste. Un mauvais artiste de pacotille, mais un bon garçon tout de même. Ils avaient l'air heureux. Hanna n'était pas femme volage et c'est à ma connaissance la seule aventure qu'elle n'ait jamais eu. Quel dommage que le patron l'ait envoyé à New York, pour promouvoir une nouvelle exposition européenne. J'éspère de tout mon coeur qu'elle est en vie mais il faut bien reconnaître qu'ici, à Londres, nous ne nourrissons plus beaucoup d'espoir. Je quitte la capitale demain, en direction du Sud. Inch Allah.



Hanna ... Je regrette à présent de n'avoir pas su profiter du temps qui nous était offert. C'était un cadeau du ciel, mon unique en enfant de surcroît. Un bel oiseau qui n'est pas fait pour vivre dans une cage, aussi dorée soit elle. Je l'ai laissé s'envoler, à regrets, mais qu'aurais je pu faire, moi, pauvre vieillard qui n'avait jamais su affronter mes responsabilités de père, d'amant, de mari. Aujourd'hui que la sait congelée à l'autre bout du monde, je puis affirmer que je suis un homme malheureux. L'envie de vivre me quitte peu à peu mais je n'ai pas l'étoffe d'un suicidaire. Je n'ai jamais été homme courageux. Je suis le méchant de Disney, pas le héros. Je me console en me disant que son incroyable beauté n'aura jamais fâné et qu'elle demeure encore quelque part, dans la beauté des choses. Dans ce qu'il en reste tout du moins.



Combien de temps ... Telle est la question récurrente qui s'insinue dans mes veines pour finalement glisser et venir se loger tout à fait dans l'essence même de ma résistance. Combien de temps tiendrais je encore, esseulée de toute civilisation humaine. Partout où je pose mon regard, je ne vois que cadavres et désolation. La totalité de la capitale, autrefois sommet intouchable de notre Terre, a été détruite par les éléments, indomptables armes de ma Nature. Je meurs à petit feu. Heureusement que les autres sont là, me réconfortant comme ils peuvent. Pourtant, je garde mes distances, persuadée que dans situation si critique, nul n'est vraiment lui même. Maman, toi que j'ai tant chéri jadis, pourquoi ne pas m'avoir appris la vérité du monde. La laideur des choses. Je ne suis pas préparée, poupée candide, à recevoir tant de faiblesses.