*VOTRE RP

La vie n'est pas juste. Ne pensez pas qu'il y a une divinité omniprésente qui veille à votre bien être. Ne soyez pas naïfs. La vie peut être retirée aussi vite qu'elle a été donnée. Que ce soit un nourrisson innocent, une mère de famille ou un criminel condamné, vous ne pourrez jamais trouver de raison. Pourquoi ? Il est inutile de se poser la question. Et il est assez stupide d'imaginer que la réponse vous viendra en vous agenouillant et en joignant les mains. Pensez vous que ce cataclysme était une punition ? Si l'on prend l'ensemble de la population, oui. Si l'on se base sur l'attitude de la majorité, des plus grands pourcentages. Néanmoins, il y avait bien une part qui ne devait pas y avoir droit. Oublions les ? Pour ma part, je ne peux pas prétendre appartenir au groupe des bons, comme je ne pourrais affirmer que j'appartiens au groupe des mauvais. Mais si Dieu existe, il doit en avoir sacrément après moi. Pour accumuler un abandon de ma mère, un manque d'argent évident, un père non présent, un cancer, et maintenant ça, c'est que mon karma devait être plutôt mauvais. Pourtant, on ne pouvait pas dire que j'avais fait de mauvaises choses dans ma vie. En fait, la plus méchante chose que j'aie jamais fait a été de voler une sucette dans un magasin, lorsque j'avais 6 ans. Appelez moi une délinquante si vous le voulez. Vous voulez que je vous dise ? Les mauvaises choses n'arrivent jamais aux personnes qui les méritent. Jamais. Et il ne faut pas croire que ce n'est pas vous qui passerez sous les roues d'un camion parce que vous donnez de l'argent aux mendiants chaque jour. Le gars qui saute sous un camion pour sauver une pauvre inconnue meurt, pas autre chose. Mon discours est un peu pessimiste, je dois l'avouer. Mais après tout, la situation ne s'y prête t-elle pas ? Je suis enfermée dans une bibliothèque tandis que le monde en dehors est en train de geler. Enfin, quelque chose comme ça. Il était vrai que l'on n'aurait pas pu choisir un meilleur endroit pour mourir. Car c'est ce qui va surement nous arriver. Nous allons tous mourir de faim, de froid, de n'importe quoi. Et si ce n'est pas ça, je mourrai de maladie de toute façon. Je n'ai plus rien à perdre .. Et je ne vais pas me permettre de la jouer « viva la vida ». Je ne comprends pas les gens qui deviennent optimistes parce qu'ils pensent que de toute façon, ils n'ont plus rien à perdre. Tout ce que je vois, c'est un monde horrible. Et personne ne pourra me contredire sur ce point-ci.

Si vous lisez ces pages et que vous n'avez pas abandonné après la lecture des premières phrases, c'est que vous êtes surement quelqu'un qui a encore moins de choses intéressantes à faire que moi. Qui suis-je ? Mon nom est Stella Clarkson. Et je suis morte. Enfin, pas à l'heure où j'écris ces mots, bien évidement, mais à l'heure où vous lisez ce manuscrit. Je suis enfermée dans la bibliothèque de New York, et je vais bientôt mourir. Si j'ai choisi d'écrire maintenant, c'est parce que j'ai besoin qu'il reste un tout petit peu de moi lorsque je serai partie. C'est vrai, je n'ai jamais fait de grandes choses dans ma vie, et mon cercle social est pour le moins limité. Ce n'est pas que je n'aime pas les gens, mais ce n'est pas que je les aime non plus. En vérité, c'est un peu compliqué. Mais de toute façon, je n'aime pas me mêler à la foule, parce que je me sens automatiquement mal à l'aise. Je suis .. quelque peu agoraphobe, il faut l'avouer. Être enfermée dans une bibliothèque est meilleur que me presser contre un maximum de personnes affolées dans la rue, et je remercie au moins le destin (c'est une expression, je ne crois absolument pas au destin) de m'avoir placée ici. Mais je vous aime bien, vous, qui lisez ces pages, parce que vous êtes complètement masochiste et que ça vous donne une caractéristique originale. Et vous devez surement être un peu à côté de la plaque, ce qui est sympathique aussi. Il est vrai que j'aime bien les gens qui se démarquent, car j'ai l'impression de vivre dans une société de moutons. Pas que je n'aime pas les moutons, j'adore ces petites bêtes, mais vous comprenez l'image. C'est bien seulement dans le domaine social que je peux accepter les changements, parce que ce n'est pas dans ma vie que je vais accepter que quelque chose arrive sans crier gare. J'aime rester dans mon petit train train, garder des habitudes, et pouvoir tout planifier et organiser à l'avance. Ce qui a été particulièrement difficile pendant mon enfance. Mon père n'étant pratiquement jamais capable de payer les factures, j'étais obligée de l'aider et en même temps de vivre ma vie comme une fille normale. Raté pour ce deuxième point. J'étais plus une mère pour mon père qu'il n'était un père pour moi, et même si je m'occupais de lui, nous nous voyions rarement. Vive l'attention. Ma mère ? Elle a divorcé pour partir avec un de ces nouveaux artistes étranges qui arrivent à faire des sculptures avec des cuvettes de WC. Ne me demandez pas, je ne sais même pas moi non plus comment on peut être aussi barjo. L'art, j'aime. Les peintures de la renaissance ou du temps des impressionnistes, je pourrais passer des heures à les admirer. Le Louvre, je rêve de le visiter. Tout ce qui est moderne .. Pas du tout. En fait, je peux dire que je ne vis vraiment pas avec mon temps. Je suis très old fashion. Pas trop accro à tous ces trucs électroniques, je n'ai eu un téléphone que très tard et c'est à peine si j'arrive à me servir correctement d'un ordinateur. Il faut dire que ce genre de choses est quand même accessible pour la plupart aux hautes classes, et que je suis loin d'en faire partie. Mais je ne me plains pas, pas du tout.

Vous voulez savoir ce qui est le pire dans le fait de vivre dans une bibliothèque ? En fait, il y a bien trop de choses. On ne peut pas se laver (enfin, pas vraiment ..), on ne peut pas se retrouver à peu près seul, on a absolument aucun contact avec le monde extérieur .. Et si nous étions les seuls encore vivants ? Nous devrions .. repeupler la terre ? Avec ma maladie, ce n'est pas gagné pour trouver un garçon qui accepterait de sortir avec moi, alors encore moins de me faire tomber enceinte. De plus, je ne suis pas vraiment le genre de fille à aspirer à ce genre de choses. Fonder une famille, blablabla .. Avoir un petit ami, pourquoi pas ? Mais ce n'est pas ma seule préoccupation. Je ne suis pas le genre à reluquer les garçons dans la rue ou à faire une tournée des bars pour draguer tous les spécimens. L'amour, vient après le travail. C'est pour ça que depuis que je suis enfermée ici, je ne fais pratiquement que lire et travailler. L'endroit s'y prête. Toute ma concentration peut aller dans le livre, et je peux oublier l'eau qui me fait peur, je peux oublier les autres qui me gênent, je peux oublier mon horrible condition .. Je peux oublier que la majorité des personnes que je connaissais sont désormais mortes. Ou en tout cas, je le suppose. Je ne veux pas évoquer ce qu'il a bien pu se passer en dehors de ces murs, même si j'aurai bien entendu à y faire face. J'aide du mieux que je peux, mais je ne suis pas le genre de filles à savoir quoi faire pour survivre. Je dois admettre ne pas être débile, mais pour tout ce qui requiert un peu de force physique ou de savoir faire, je peux dors et déjà m'éliminer. La leucémie n'aide pas du tout. Les symptômes sont assez peu visibles pour l'instant, mais il est évident que sans aucun traitement mon état va se dégrader. Je préfère mourir avant les autres, que de nous regarder tous mourir de faim. Et si nous finissions par nous dévorer ? Je n'ose même pas l'imaginer. Un événement pareil ne pouvait décidément arriver que dans les films. C'était ce que je pensais. Et maintenant, nous y étions. Obligés de cligner les yeux et de se pincer pour réaliser que nous n'étions pas dans un rêve. Le seul moment de la journée qui m'est agréable, c'est lorsque je dors. J'oublie tout. Le seul problème est que je fais beaucoup de cauchemars. Je me noie, la plupart du temps, et cela ne fait que m'effrayer encore plus. Les insomnies, je connais, et c'est pour ça que l'on peut remarquer mes énormes cernes. Mon physique n'est pas quelque chose que l'on peut trouver assez agréable. Je ne dors jamais, je ne sors jamais, je ne mange pratiquement pas, je suis maigre, blafarde et ait l'air d'être tout droit sortie de ma tombe. Côté vêtements ? Je ne m'embête pas. Le plus simple et le plus sobre possible, pour cacher mes formes pratiquement inexistantes. Je ne drague pas, je ne charme pas, et je n'aime absolument pas avoir ce corps d'adulte. Mon rêve le plus cher, avoir une machine à remonter le temps et pouvoir revenir à mes huit ans. C'était un mauvais temps, mais un des meilleurs.

Détrompez vous, je n'ai quand même pas eu l'enfance d'Oliver Twist. Mon père était relativement normal, je pouvais aller à l'école, et nos problèmes d'argent ne pouvaient pas nous jeter à la rue. De toute façon, je n'étais pas intéressée dans le fait d'avoir des vêtements de marque, la dernière poupée barbie ou je ne savais trop quoi que les petites filles voulaient à cette époque. S'il y a une chose que je n'ai jamais été, que je ne suis pas et que je ne serai jamais, c'est superficielle. Loin de moi l'idée d'avoir des préjugés ou de me faire un avis sur une personne au premier regard. Quand je ne sais pas .. je ne sais pas. Même si cela m'énerve. Par contre, dès que quelqu'un ouvre la bouche, son destin est scellé. J'adore parler, et je prête beaucoup d'attention à ce que les gens disent également. J'ai toujours beaucoup de choses à dire, malheureusement, rares sont les personnes qui ont l'occasion de savoir ce qui peut bien me passer par la tête. La majorité de temps, je parle toute seule, ce qui me vaut plusieurs surnoms dont celui de cinglée. Peut importe. Je prête attention à ce qu'on me dit et peut me vexer très facilement, même si je prétends ne pas y faire attention. Je suis sensible. Extrêmement sensible. Je peux pleurer pour très peu, même si j'aime bien avoir l'air d'être une fille au cœur de pierre. Les gens avec qui je suis enfermée dans la bibliothèque .. on ne peut pas dire qu'ils sont vraiment mes amis. J'ai beaucoup de mal à m'en faire. Et de toute façon, à quoi bon ? Je n'ai pas envie de m'attacher à des gens, si c'est pour qu'ils me voient mourir après. Cela doit être une torture. Il vaut mieux que je reste seule, en solitaire.

Troisième jour après le déluge. Nouveau journal de Stella.

Liens :
- Dorian Hemingway : Ils sont élèves dans la même université, mais ne se sont jamais adressé la parole, appartenant chacun à des classes sociales totalement différentes. Il faut dire que généralement, les filles sérieuses et les fils de Bourges ne font pas très bon ménage. Ils ont pourtant eu la malchance de devoir travailler en binôme pour un devoir de biologie, la poisse ! Ils se sont donné rendez-vous à la bibliothèque histoire de faire leur boulot respectif et puis baste, mais c'était sans compter sur les derniers évènements climatiques. Depuis qu'ils sont coincé ensemble, ils ont appris à se connaitre et arrivent presque à cohabiter sans s'entretuer.